Génie climatique : la pompe à chaleur va‑t-elle réussir à décarboner le secteur résidentiel ?
Le Plan climat de juillet 2017 a renouvelé l'ambition de la France en fixant pour cap la neutralité carbone dès 2050, soit une division par six des émissions de Gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. La décarbonation du secteur résidentiel est un point de passage prioritaire pour atteindre cet objectif. Quel vecteur énergétique choisir ? Si les réseaux de chaleur vertueux figurent parmi les solutions incontournables, la pompe à chaleur émerge également et peut trouver sa place dans le logement collectif, en neuf comme en rénovation. Une crise de croissance pour la filière qui doit travailler à l'harmonisation des NF DTU et des règles de dimensionnement.
La transition énergétique s'opère durablement dans le bâtiment, encouragée par les pouvoirs publics, différentes lois majeures et la RE2020. Ainsi la loi a introduit une interdiction progressive de mise en location des logements énergivores : à partir du 1er janvier 2025 pour les logements classés G (les plus énergivores), 2028 pour ceux de la classe F et 2034 pour la classe E. Le chauffage au gaz est en voie de disparition dans le logement après des décennies de monopole. Si les exigences actuelles de la RE2020 autorisent encore le 100 % gaz en logement collectif, cela ne sera plus envisageable en 2025. En maison individuelle, le 100 % gaz est déjà exclu depuis 2022.
Cette trajectoire, dictée par les politiques environnementales et les coûts difficilement contrôlables de l'énergie, impose une nouvelle feuille de route à l'industrie et à tous les acteurs du logement. La formulation de la question est donc simple : quelle solution va permettre de décarboner le chauffage dans le logement ?
Recommandations de l'Ademe
Sans surprise, la Pompe à chaleur (Pac) s'annonce comme l'une des solutions incontournables dans les projets de construction et dans la rénovation de l'existant. Dans un « Avis d'experts » publié le 19 mars 2024(1), l'Ademe revient sur les conditions techniques de réussite de cette transition énergétique qui s'opère, en tenant compte de l'état des connaissances sur la performance des différentes pompes à chaleur, de la typologie de bâtiments concernés et de leur niveau d'isolation. L'agence rappelle en préambule que « la décarbonation des usages thermiques des logements en France métropolitaine repose sur deux leviers : d'une part, le changement des moyens de chauffage utilisant des vecteurs très carbonés (fuel et gaz d'origine fossile) vers des vecteurs moins carbonés (réseaux de chaleur urbains alimentés par des énergies renouvelables et de récupération, électricité (via la pompe à chaleur, y compris géothermique), solaire thermique, bois, gaz renouvelable… ; de l'autre, le développement des énergies renouvelables dans les réseaux d'énergie (par exemple : méthanisation, verdissement des réseaux de chaleur, éolien, photovoltaïque…). »
Elle recommande de sécuriser la stratégie de développement des Pac qui « ont un rôle clé à jouer dans la décarbonation de la chaleur des bâtiments. Cependant, il est nécessaire d'en sécuriser le déploiement via un soutien à la recherche et développement (isoler avant d'installer une Pac, développer des systèmes adaptés à toutes les typologies de bâtiments, développer des équipements avec des fluides frigorigènes à faible impact environnemental […]. » Elle estime qu'il est impératif « d'organiser la remontée et le partage de données sur la performance des Pac en conditions réelles d'utilisation, d'appuyer l'industrialisation de la filière, de former sur toute la chaîne de valeur afin d'assurer des installations de qualité, et enfin, de conditionner les aides financières aux pompes à chaleur à des critères permettant d'assurer leur performance ».
Sur ce dernier point précisément, elle insiste sur la nécessité de « mettre en place un bonus écologique pour les Pac : sans pour autant ralentir l'accélération de leur déploiement qui reste la priorité ». Elle préconise « le développement progressif de politiques publiques d'incitation vers les matériels les plus performants sur l'ensemble de la chaîne de valeur (par exemple un bonus pour les Pac les plus performantes au regard des objectifs environnementaux, intégrant le contenu carbone lié à leur fabrication, à l'instar du bonus véhicules électriques). Ce dispositif, allant au‑delà de l'étiquette énergie actuellement en place, aurait également des impacts positifs pour la réindustrialisation en France et en Europe […] et tirerait l'ensemble de la filière vers le haut. »